lundi 25 mai 2015

« Théâtre nomade » ou la « halqa » itinérante

Les arts de la rue connaissent désormais un net progrès au Maroc grâce aux associations culturelles et compagnies de théâtre émergentes. Si le théâtre « fixe » n’a pas pu fidéliser son public à cause de son coût élevé pour le citoyen moyen, l’association « Théâtre nomade » a décidé d’apporter un nouveau souffle au théâtre marocain et aux arts de la rue en général. En effet, cette association a choisi d’aller vers son public, de se déplacer en caravane dans des quartiers populaires et douars en priorité pour présenter une pièce de théâtre ou un spectacle gratuitement.


Depuis sa création fin 2006 à Salé par un couple marocain passionné de théâtre : Mohammed El Hassouni et Soufia El Boukhari, « Théâtre nomade » présente, forme et crée du spectacle vivant. Qui dit spectacle vivant, dit théâtre forain, danse, musique, cirque, marionnettes géantes et acrobatie… Il s’agit d’une véritable panoplie de divertissements artistiques pour le plaisir des petits et des grands. Mais aussi une véritable industrie culturelle pour créer des opportunités de travail dans ce domaine.

En partenariat avec l’association « Casamémoire », « Théâtre nomade » est installé sous son chapiteau depuis 2014 aux anciens abattoirs de Casablanca dans le quartier Hay Mohammadi. Accompagné d’une programmation culturelle régulière, ce chapiteau propose gracieusement chaque weekend des ateliers et stages de formation aux arts de la rue destinés au jeune public.

A côté de ce chapiteau, il y a également « l’atelier culturel itinérant » pour aller rencontrer et former sur le tas, des jeunes démunis. Les formateurs de cet atelier partent dans le cadre d’une résidence dont la durée peut varier entre trois à neuf mois afin de créer un spectacle avec les participants à l’issue de cette expérience sur le terrain. Il y a aussi la bibliothèque mobile du « Théâtre nomade » d’une collection de 1500 livres, qui s’arrête chaque vendredi devant une école permettant ainsi aux écoliers de lire à côté de chez soi.

« Théâtre nomade » est désormais présent surtout à Casablanca, mais son équipe est dotée d’une mobilité nationale qui le permet de se déplacer partout au Maroc. D’une manière synthétique et comme l’indique ses initiateurs, « Théâtre nomade » propose cinq types d’activités culturelles : « Al awrach » un programme d’initiation aux arts de la rue, « Al machatil » un programme de formation professionnelle aux arts de la rue qui permet à son bénéficiaire d’apprendre carrément un métier, « Al maktaba » un centre de ressources et une bibliothèque, «  Al khayma » ou le chapiteau un lieu de résidence artistique et de création destiné aux professionnels du spectacle marocains et étrangers, ainsi qu’un lieu de diffusion de spectacles.


« Théâtre nomade » vient renforcer en conséquence le patrimoine culturel immatériel du Maroc riche d’une grande tradition orale. Il est incontestable que le conte et l’art de la « halqa » sont une partie intégrante de la société marocaine et de l’histoire du spectacle de rue au Maroc. « Théâtre nomade » mêle en quelque sorte le contemporain et le traditionnel pour une meilleure diffusion…

*Je tiens à remercier Sofiane Benkhassala, chargé de communication au « Théâtre nomade » de m’avoir renseigné à propos des activités de cette association et de m’avoir communiqué des photos et vidéos pour illustrer ce modeste article.

lundi 18 mai 2015

« Le Magazine Littéraire du Maroc » va-t-il bientôt retourner au kiosque ?

« Le Magazine Littéraire du Maroc » (MLM) avait lancé son premier numéro en automne 2009 et avait suspendu sa publication fin mai 2012 après dix numéros publiés uniquement. Une publication pareille a été bien accueillie au Maroc à l’instar de son homologue « Le Magazine Littéraire » (la revue française). 

Le MLM aurait pu combler le manque et l’absence de longue durée sur le marché, des revues spécialisées en littérature marocaine notamment après la disparition de la revue « Souffles » qui a existé sept ans de 1966 à 1973.

Destinés aux hommes de lettres, chercheurs et enseignants mais aussi aux étudiants et passionnés tout simplement de lecture et de littérature, ces périodiques ne sont pas destinés uniquement à l’élite comme certaines personnes peuvent le penser…

Par ailleurs, la plupart des revues disparaissent souvent du jour au lendemain pour des raisons financières et par manque de budget bien évidemment. La culture coûte-t-elle si chère ? Le mécénat devient-t-il la seule solution pour pérenniser les projets culturels en général ?...

lundi 11 mai 2015

Omar Zouita, le bouquiniste «conscient»

Omar Zouita est une personne connue dans le monde du livre d’occasion à Marrakech. Il est connu notamment par les élèves et étudiants qui cherchent à acheter, vendre ou échanger des livres anciens dont des livres scolaires dans son kiosque nommé « Al waaye » ou « La conscience » en traduction littérale. Omar Zouita est parmi les bouquinistes dont les kiosques sont installés au rempart de Bab Doukkala derrière la gare routière. Ce n’est pas sans raison qu’il l’appelle kiosque de « la conscience ». Cette conscience qu’il a acquise en effet à travers une expérience de plusieurs années…


© MB, Kiosque d'Omar Zouita

Omar Zouita est originaire de Marrakech, mais c’est à Casablanca vers les années soixante alors âgé de dix-sept ans à peu près où il commença à s’intéresser au livre d’occasion. Il commença son petit commerce à derb Ghallaf, un des quartiers populaires de Casablanca. Sa curiosité et son contact direct avec les intellectuels de cette période le poussa davantage à chercher des livres rares et anciens surtout de langue arabe y compris des livres philosophiques et politiques à proposer à sa clientèle qui devient de plus en plus fidèle. Son ambition le poussa à ramener ces mêmes livres à Marrakech et il commença ainsi à développer son commerce entre les deux villes Casablanca et Marrakech. Vers la moitié des années soixante, il décida de rentrer à Marrakech pour fonder une famille et travailler dans sa ville natale. Pour gagner sa vie, il travailla toute la journée en vendant des livres entre le souk Bab Lakhmiss le matin et sur la place Jamaa El Fna le soir.

Plus tard et vers les années soixante-dix, les autorités locales avaient décidé d’installer un marché officiel ou un souk du livre sur la place devant le commissariat actuel. Heureux de cette décision lui et ses collègues, Omar Zouita était parmi les trente bouquinistes installés sur la place avec des autorisations. Or, certains esprits ne sont pas d’accord avec l’idée que les bouquinistes occupent cet endroit à côté des conteurs. Ces bouquinistes ont dû passer plus de dix ans là-bas avant d’être obligés de se déplacer à côté de la mosquée de la Koutoubia vers l’année 1984 à cause de quelques aménagements. L’idée de vendre des livres à côté de la Koutoubia n’est pas nouvelle, car cette mosquée était déjà appelée ainsi depuis l’époque almohade lorsque des libraires au nombre de cent étaient installés aux alentours de celle-ci. C’était l’âge d’or du « dlala » du livre : une véritable chasse aux manuscrits s’était prospéré entre le Maroc (appelé Marrakech à ce moment-là) et l’Andalousie tout en basant sur le célèbre livre de Gaston Deverdun « Marrakech des origines à 1912 ».

Après la Koutoubia, les bouquinistes seront sollicités de se déplacer d’abord à Arsat El Bilk où ils ont passé deux ans à peu près, ensuite dans le cimetière de Jamaa El Fna avant de déménager définitivement à Bab Doukkala vers l’année 1987 au souk Al Izdihar provisoirement. Ces décisions de déplacement peuvent démontrer à quel point la présence de ces bouquinistes dérange depuis le début. Malgré ces années de souffrance et malgré l’âge, la motivation de ce bouquiniste passionné qui est Omar Zouita ne s’est jamais affaiblie avec le temps. Depuis la démolition brutale du souk Al Izdihar, « L’association des amis du livre » a lutté sans cesse pour sauver le marché du livre d’occasion de la disparition. Finalement, les autorités locales décident de créer les kiosques actuels au long du rempart de Bab Doukkala depuis 2003 jusqu’à nos jours. Et « La conscience » continue d'exister…

*Je tiens à remercier Omar Zouita de m'avoir communiqué en toute confiance tous ces détails sur son parcours professionnel et toutes ces informations sur la ville de Marrakech.

lundi 4 mai 2015

Les jeunes d’Essaouira font leur Flash Mob dédié à la calligraphie arabe

La ville d’Essaouira est réputée surtout par son festival de Gnawa et sa peinture naïve. C’est une ville qui inspire aussi bien ses habitants que les étrangers par son petit port, son ancienne médina et ses couleurs bleu et blanc qui réconfortent les yeux...Cette petite ville ne cesse d’éblouir par sa beauté et de produire des artistes et des événements. Cette fois-ci c’est l’école supérieure de Technologie d’Essaouira (dépendante de l’université Cadi Ayyad) qui vient de créer l’événement le jour du vendredi 20 mars 2015 en organisant un flash mob original dont l’invité spécial est le calligraphe et artiste plasticien Mohamed Abaoubida.

© Ghizlane Drissi El Bouzaidi
Mohamed Abaoubida avait réalisé pendant deux mois de travail dans son atelier une grande œuvre mesurant 3mx3m. Celle-ci est composée de cent petits tableaux de 30cmx30cm regroupés pour représenter l’étoile du drapeau marocain. Il a pris également la peine de transcrire les noms des villes marocaines avec différents caractères et couleurs : bleu pour Essaouira, ocre pour Marrakech, etc. Pour l’exposer au public, un flash mob a été organisé ce vendredi-là autour de cet œuvre d’art posé au sol sur la place Moulay Hassan dans l’ancienne médina d’Essaouira.

Mohamed Abaoubida est originaire de Marrakech où il vit et travaille actuellement. Né en 1974, il avait commencé à apprendre la calligraphie arabe depuis le collège. Il est l’élève du calligraphe Jamal Benatia, mais s’inspire également de l’école orientale et des grands calligraphes originaires notamment de l’Arabie Saoudite et des Emirats arabes unis. Il a développé ainsi son talent avec le temps et possède à présent le don de maîtriser tous les styles de calligraphie arabe : Diwani, Naskh, etc. Sa première exposition officielle a eu lieu en 2005 au Maroc et sa toute dernière exposition vient d’avoir lieu au Royaume-Uni fin 2014 à University of Exeter Institute of Arabic and Islamic Studies. A côté des expositions ici et ailleurs, Mohamed Abaoubida donne régulièrement des ateliers de calligraphie arabe et s’adapte à son public pour partager son savoir-faire et transmettre les règles de cet art ancestral de génération en génération.

Qui dit flash mob, dit aussi la foule, la musique et le spectacle. Le jeune public a été bien servi ce jour-là en présence du danseur du hip hop Mehdi Rouahi du groupe X-Bangs, accompagné des étudiants de l’école supérieure de technologie d’Essaouira qui ont créé une chorégraphie autour de l’œuvre de Mohamed Abaoubida. Il s’agit en effet d’une action symbolique qui exprime de vive voix l’amour des jeunes d’Essaouira pour leur pays et leur attachement aux couleurs de la nation. Le tout a été filmé par le jeune réalisateur Soufiane El Bouhali.

Derrière cet événement innovant, deux enseignants chercheurs qui sont : Larbi Safaa et Khalid El Houssni. Muni de sa grande expérience dans le domaine touristique et culturel, Larbi Safaa est titulaire d’un doctorat en management touristique qu’il avait préparé entre la France et le Québec pendant cinq ans. Depuis qu’il est rentré au Maroc en 2013, il participe dans plusieurs projets culturels et artistiques. C’est à Essaouira principalement la ville où il travaille actuellement qu’il crée et organise des événements chaque année avec ses étudiants en tourisme. Par ailleurs, il s’agit du premier flash mob dans cette ville et ses initiateurs souhaitent bien le transformer en une tradition annuelle…